Comme thème du mois, et contrairement à ce que nous avions annoncé en septembre, nous avons choisi de vous proposer un débat sur les impacts des nouvelles prescriptions de type socialement responsables. Nous entendons par prescriptions, les lois (notamment la loi NRE de 2001), les normes et les référentiels nationaux et internationaux. En d'autres termes est-ce que toutes ces législations et ses guides de management vont conduire les entreprises à modifier en profondeur leur politique RH ?
Dans un premier temps nous allons revenir sur les différentes prescriptions qui existent aujourd'hui puis nous ouvrirons le débat proprement dit.
En matière de responsabilité et de performances sociales les premiers les écrits engageants sur le plan politique et international sont relativement récents. Si dès les années 50, les chercheurs, notamment américains, s’intéressent à la notion de responsabilité sociale. c'est au début des années 90 qu'apparaissent les premiers principes. Dans un précédent article nous avions parlé des principes de la table ronde de Caux, édicté dès 1994. (http://kyos-conseil.blogs.com/kyos_conseil/2005/08/table_ronde_de_.html)
La France s’est dotée en 2001 de la dite NRE (nouvelles régulations économiques) qui fixe, pour les sociétés française cotées sur un marché réglementé, l'obligation de rendre compte dans leur rapport annuel de leur gestion sociale et environnementale au travers de leur activité (art.116). Il existe également un Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE, www.orse.org). Toujours en France, il existe des normes, notamment la norme SD21000 qui a trait au management.
Sur le plan international, il y a déjà une profusion de textes qui ont tous des valeurs et des portées différentes. Le plus utilisé est probablement la GRI (Global Reporting Initiative). Produite par un organisme indépendant ce texte constitue un guide complet dont s’inspirent les entreprises pour leur rapport de Développement Durable et les agences pour les notations sociales… Le SA 8000 est un référentiel certifiable qui précise les droits fondamentaux des travailleurs. Il est précieux pour les multinationales disposant d’implantations dans des pays pour lesquels la législation locale est en retard sur les normes occidentales. L’AA 1000, lancée par l'organisation indépendante AccountAbility, constitue un guide de management dévolu à la transparence en matière de reporting social, sociétal et environnemental. L’OHSAS 18001 (Occupational Health and Safety Assessement Series) traite des risques et accidents
Enfin, à tous ces référentiels internationaux, de portée générale, il convient d'ajouter les études sectorielles du WBCSD (cimenteries, transports, énergie...), du PNUE (finance, assurances, tourisme, eau...), IBLF (tour opérateurs, agroalimentaire...), etc.
Est-ce que les entreprises, ou leurs dirigeants, vont s'appuyer sur ces textes pour questionner les principes les plus fondamentaux mobilisés dans leur organisation ? Les principes qui fondent notamment la gestion des ressources humaines et la prise en compte de l’environnement. Ou est-ce que l'on va plutôt assister à une simple adaptation des entreprises à cette nouvelle donne ? Le débat n'est pas neutre... Dans le premier cas il s'agit pour l'entreprise d'apprendre à gérer différemment, dans le second cas, il s'agira simplement d'adapter marginalement la communication et les outils de gestion à des attentes nouvelles de la société.
Il est évidemment trop tôt pour répondre à ces questions et il est évident qu'il y aura des entreprises dans les deux camps.
Ce qui est intéressant c'est également de souligner de véritable paradoxe. Prenons un exemple : admettons qu’une entreprise publie un brillant rapport de développement durable. Mais ces politiques restent superficielles et correspondent à une adaptation marginale des processus sans un travail de fond. Ce dernier consisterait à interroger la vision des dirigeants, les grands principes de gestion et les pratiques des managers. Une telle entreprise présente un comportement tout à fait satisfaisant pour un observateur externe car elle communique, elle agit, elle met en évidence des progrès… Elle sera sans doute très bien notée par une agence de rating social et environnemental.
Prenons une autre entreprise qui est, peut-être, dans le même secteur d'activité. Cette organisation a régulièrement des problèmes de nature différente : des problèmes de pollution, des procès pour discrimination, des pressions voire pire des boycotts imposées par des les ONG car ses fournisseurs détruisent l’environnement ou emploient des enfants. La réputation de cette société sera entachée quand bien même elle aurait un rapport de développement durable de haute tenue. Mais objectivement, on peut aussi penser qu’elle apprend petit à petit à gérer ses relations avec ses parties prenantes et qu’elle modifie ses principes de management des hommes. Elle est forcée d’apprendre ne serait-ce que parce que le marché la sanctionne. À partir des dysfonctionnements majeurs et des crises qu'elle rencontre l'entreprise met en oeuvre un certain nombre d'apprentissages en profondeur qui lui permette de réinterroger sa stratégie, sa culture, ses valeurs. On peut se demander à l'arrivée quelle est l'entreprise la plus sociétalement exemplaire.
En poussant notre raisonnement à l'extrême on pourrait en tirer le constat suivant : les entreprises qui parviennent le plus rapidement à répondre aux interpellations de leur environnement et aux nouvelles prescriptions sont sans doute celles qui font plus un effort d'adaptation que d'apprentissages. A contrario, les entreprises qui est développe des apprentissages remettant en cause leur mode de gestion apparaîtront potentiellement comme les moins performante d'un point de vue social et sociétale. Il existe donc une forme d’incitation court-termiste à la non performance… Un comble en matière de Développement Durable.
Apportez nous vos témoignages… Comment est-ce que votre entreprise réagis face à la mode du Développement Durable ? Plus simplement, votre entreprise est-elle plus sollicitée par ses parties prenantes (clients, fournisseurs, ONG, pouvoirs publics…) ? Change-t-elle ses politiques RH ? Ses valeurs évoluent-elles pour faire place à des principes qui concilient performance et bien commun ?
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