Patagonia a été fondé en 1972 mais c'était déjà une entreprise socialement responsable. Son fondateur, homme engagé et moteur dans son domaine, méritait un portrait... Il démontre qu'on peut avoir un triple bilan (bottom line) économique, environnemental et social positif.
Yvon Chouinard est né dans le Maine en 1938. Ses parents sont d’origine québécoise et il parle donc Français. Mauvais élève, il adore la nature et se consacre à l’alpinisme, à l’élevage de faucons, à la pêche à la mouche, au surf, au kayak… Bon grimpeur, il est rapidement reconnu. Il ouvre des voies difficiles dans le parc de Yosemite où il s’installe. A 19 ans, il apprend le métier de forgeron car, perfectionniste, il veut fabriquer lui-même les pitons dont il a besoin. Progressivement, il les vend, s'équipe en matériel, gagne de l'argent et en fait sa principale activité, avec l'alpinisme. Son entreprise, Chouinard Equipment, devient rapidement le premier fabricant de matériel d'escalade aux Etats-Unis.
A la fin des années 1970, il se lance dans le vêtement, avec une idée simple : utiliser des couleurs vives pour les tenues d'escalade. Le Patagonia que nombre de sportifs, amoureux de la montagne connaissent, est né (la fondation date de 1972).
Yvon Chouinard a aujourd’hui 67 ans. Il est connu comme un homme d'affaires atypique, car il dirige son entreprise avec ses convictions écologistes, connues et reconnues. Il se définit lui-même comme un «homme d'affaires à contre-coeur», c’est même le sous-titre du livre qu'il vient de publier aux Etats-Unis (Let My People Go Surfing, the Education of a Reluctant Businessman, Penguin Press).
Au début des années 90, Patagonia avait grossi trop vite et gérait un catalogue produit trop vaste. C’est la crise de croissance. Y. Chouinard est obligé de licencier 120 personnes soit 20% de ses effectifs. Il en tire la leçon qu’il lui faut revenir à ses valeurs essentielles.
Y. Chouinard, passionné d'environnement, s’est ensuite rendu compte que son entreprise pouvait être un levier au service de cette cause. Son entreprise ressort pourtant d’une industrie polluante. Il souhaite que, par ses produits et par son activité quotidienne, son entreprise soit l’incarnation de la réconciliation entre l’industrie textile et la nature. Il faut que la première se montre plus respectueuse de la seconde. En 1994, il décide, par exemple, de supprimer brutalement tout coton cultivé avec des pesticides. A l’époque, la moitié de ses produits incorporaient du coton et ce choix conduisait à renchérir le coût de cette matière de près de 40 %. Malgré les risques financiers et stratégiques, Y Chouinard refusa de mener cette évolution de manière progressive. Autre exemple : Patagonia produit des vêtements en Synchilla®, une laine polaire fabriquée à partir de bouteilles en plastique recyclées. 150 polaires permettent de recycler 3700 bouteilles de 2 litres 168 litres
On dit qu’il a tenté plusieurs fois de vendre Patagonia. Désireux de décoller l'étiquette de l'homme d'affaires et de s'adonner à plein temps à ses deux passions : le sport et la défense de l'environnement. Tous les ans, Patagonia consacre au moins 1 % de son chiffre d'affaires à des projets environnementaux. Depuis 1985, 22 millions de dollars (18,5 millions d'euros environ) ont ainsi été dépensés. Homme de conviction, Y. Chouinard a créé une association, la « One Percent for the Planet », incitant les autres entreprises à verser cette «taxe pour la Terre
L’action de Patagonia n’est pas seulement centrée sur l’environnement, Yvon Chouinard manifeste une conscience sociale forte. Lors d’une interview donnée à Utopies, Yvon Chouinard raconte que ses visiteurs, étonnés de voir que l’entreprise dispose de sa propre crèche, font toujours à peu près la même remarque : « vous devez gagner beaucoup d’argent pour pouvoir payer cette crèche. » Il est dans un autre cadre de référence et comprend mal ce type de remarque. Il dit « Ils ne voient pas qu’il y a une autre façon de voir les choses, en considérant tout l’argent que ces actions nous font gagner. Par exemple, cette crèche que nous avons créée dans l’entreprise pour les enfants des salariés nous fait économiser beaucoup d’argent, puisque les parents viennent travailler même quand leur enfant est un peu enrhumé. Puisque, sachant que la crèche est là et que les horaires sont souples, ils n’hésitent pas à rester travailler un peu le soir s’ils ont quelque chose à finir, plutôt que de se précipiter dans leur voiture pour foncer à la crèche et y arriver avant la fermeture. »
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